TRIBUNE
Tribune : Donner une voix à nos révoltes
Révoltés de devoir tirer le diable par la queue dès le quinze du mois, indignés par des professionnels de la politique sourds à leurs revendications, les Gilets jaunes ont payé le prix fort pour essayer de se faire entendre. Nombreux sont ceux qui désespèrent de la politique et n’en attendent plus rien. On peut les comprendre. Pourtant, ne pas voter et rester chez soi c’est assurer la victoire des autres. Il y a aussi ceux qui votent pour de nouvelles têtes, en croyant protester contre ceux qu’ils n’ont que trop vus. Mieux vaudrait peut-être jeter un coup d’œil aux programmes et voter pour ceux qui soutiennent ce qu’ils veulent : le pouvoir d’achat, l’impôt sur la fortune et le Référendum d’Initiative Citoyenne.
Révoltées toutes ces aides à domicile, ces femmes de ménage, ces caissières, souvent à temps partiel, à qui on a dit qu’elles étaient essentielles, mais qui restent payées au SMIC et même en dessous. La plupart ont des soucis plus immédiats que la politique et n’ira pas voter. Comment les en blâmer ? Elles n’auraient pourtant rien à perdre et quelque chose à gagner avec un SMIC à 1400 € net.
Révoltés les personnels de l’hôpital, de l’enseignement, de la justice qui exercent des métiers difficiles et essentiels, eux aussi, dans des conditions rendues impossibles et, souvent, pour des salaires indignes. Il leur faut supporter l’opprobre infligé aux fonctionnaires et le démantèlement inexorable des services publics. Ceux qui votaient à gauche ont été trompés, beaucoup ont renoncé : c’est le moment de renouer avec un vote pour la gauche de gauche.
Révoltés, eux aussi, celles et ceux qui ont manifesté par dizaines de milliers et fait reculer le gouvernement sur sa réforme des retraites. Nous savons que la première chose que feront les droites si elles gagnent, c’est nous imposer de travailler encore plus longtemps et ratiboiser les retraites. Manifester, c’est bien : voter, c’est aussi une façon de se faire entendre et peut-être d’empêcher que les mêmes ou d’autres recommencent.
Révoltés tous ces chômeurs qui ont fait beaucoup plus que « traverser la rue » pour ne rien trouver du tout. Accusés d’être des profiteurs, des assistés, des fainéants, il leur faut endosser l’insulte et la baisse, sinon la suppression, des allocations auxquelles ils ont droit. Leur désespoir est facile à comprendre : à quoi bon aller voter ? Pourtant, s’abstenir, c’est voter pour ceux qui les accablent.
Révoltés contre la façon indigne et criminelle dont sont traités les migrants que la guerre et la misère ont chassés de leur pays, beaucoup agissent pour assurer un accueil solidaire. Mais ne croyons pas qu’on peut progresser vers des solutions plus humaines en laissant au pouvoir des gouvernants hypocrites. Le vote est un moyen de leur dire que l’Europe est dans l’impasse et de changer de politique.
Révoltés d’avoir dû découvrir les restos du cœur en même temps que les bancs de l’université, nombreux sont les jeunes qui désespèrent de l’avenir et se désintéressent de la politique. Beaucoup pensent que s’abstenir, c’est protester radicalement. Mais les institutions ne s’effondreront pas pour autant. S’abstenir, c’est offrir le pouvoir à ceux qui l’ont déjà.
Révoltés par un monde et un avenir que menace le réchauffement climatique, beaucoup de jeunes se sont mobilisés. Beaucoup savent que c’est le fonctionnement de la société telle qu’elle est qui nous a conduits là. Il faut en changer et, pour se donner une chance d’y parvenir, il faut se débarrasser de tous ceux qui ne pensent qu’au profit à court terme. Beaucoup ne croient pas que la politique permette de le faire. Il faut pourtant s’emparer aussi de ce moyen d’action. Une autre façon de faire de la politique, c’est combiner les luttes et les urnes : ne négligeons aucun levier.
La liste est longue de ceux qui n’ont vraiment rien à perdre et tout à gagner en allant voter pour Jean-Luc Mélenchon. Beaucoup lui reprochent ceci ou cela, beaucoup récusent les hommes providentiels. On peut les comprendre, eux aussi. Pourtant, ils auraient tort de penser que les candidats sont tous les mêmes et de laisser la place à ceux qui rêvent d’un peuple qui ne vote plus. Il ne s’agit pas de voter pur un homme, mais pour le programme d’une gauche de gauche, le seul qui, si nous agissons tous ensemble, devrait l’emporter haut la main.
Les premiers signataires
Ahcène Azem (militant politique)
Isabelle Backouche (historienne, directrice d’études à l’EHESS)
Eléonore Beney (psychologue clinicienne)
Laurent Binet (écrivain)
Sylvain Bordiec (sociologue, maître de conférences à l’université de Bordeaux)
Sylvain Broccolichi (sociologue, professeur à l’université de Lille)
Olivia Chambard (sociologue, enseignante à l’université Paris 1-Panthéon Sorbonne)
Thibault Cizeau (sociologue)
Annie Couëdel (sciences de l’éducation, maitresse de conférences à l’université Paris 8 Vincennes- Saint-Denis)
Robert Descimon (historien, directeur d’études à l’EHESS)
Christelle Dormoy (sociologue, maitresse de conférences à l’université de Lille)
Sophie Durand-Ngô (militante politique)
Artemisa Flores (sociologue, maitresse de conférences à l’université Paris Est-Créteil) Quentin Fondu (sociologue)
Arnaud Foulon (professionnel de la transition énergétique)
Christophe Gaubert (sociologue, maître de conférences à l’université de Limoges)
Florence Gauthier (historienne, maitresse de conférences à l’université Paris-Diderot)
Aleth Gorges (psychanalyste)
Hugo Harari-Kermadec (sociologue, professeur à l’université d’Orléans)
Amar Henni (directeur de centre de formation)
Christophe Joigneaux (sociologue, professeur à l’université Paris Est-Créteil)
Razmig Keucheyan (sociologue, professeur à l’université Paris-Descartes)
Michel Koebel (sociologue, professeur à l’université de Strasboug)
Jérôme Lamy (sociologue et historien des sciences, chercheur au CNRS)
Brice Le Gall (sociologue)
Frédéric Lebaron (sociologue, professeur à l’ENS Paris-Saclay)
Patrick Lehingue (politiste, professeur à l’université de Picardie-Jules Verne)
Wencesla Lizé (sociologue, maître de conférences à l’université de Poitiers)
LouizArt Lou (artiste-photographe)
Odile Marguliès (psychologue)
Pascal Martin (sociologue, post-doctorant à Sciences Po-Paris)
Valérie Massadian (cinéaste)
Gérard Mauger (sociologue, directeur de recherche au CNRS)
Hélène Y. Meynaud (sociologue, juge des Prud’hommes)
Frédéric Nicolas (sociologue, ingénieur de recherche à l’université de Rouen)
Antoine Peillon (journaliste)
Pierre Pénet (sociologue, chargé de recherche au CNRS)
Louis Pinto (sociologue, directeur de recherche au CNRS)
Marie-Pierre Pouly (sociologue, maitresse de conférences à l’université de Limoges)
Mireille Renard (chargée de production secteur culturel)
Magaly Richard-Serrano (réalisatrice)
Lionel Ruffel (théoricien de la littérature et éditeur, professeur à l’université Paris 8 Vincennes- Saint-Denis)
Arnaud Saint-Martin (sociologue, élu local FI, chargé de recherche au CNRS)
Louis Saisi (juriste publiciste)
Charles Soulié (sociologue, maître de conférences à l’université Paris 8 Vincennes-Saint-Denis)
Philippe Tancelin (poète-philosophe)
Annie Thébaud-Mony (sociologue, directrice de recherche à l’INSERM)
Anja Thomas (poétesse)
Christian Topalov (sociologue, directeur d’études à l’EHESS)
Sébastien Vignon (politiste, maître de conférences à l’université de Picardie-Jules Verne)
Laurent Willemez (sociologue, professeur à l’université de Versailles-Saint-Quentin en Yvelines)
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